Présidentielle Américaine #1 : Le débat Trump-Harris est-il un tournant dans la course à la Maison-Blanche ?

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Cet article est le premier de la série de textes que je consacre aux élections présidentielles américaines de novembre 2024.  

La semaine dernière s’est tenu le premier et sans doute unique débat présidentiel entre Donald Trump pour Les Républicains et Kamala Harris pour Les Démocrates. La presse européenne a donné un écho important à cet événement qui aurait rassemblé un peu plus de 67 millions de téléspectateurs. Les médias se sont interrogés sur l’impact qu’aura ce débat télévisé sur le résultat de l’élection... Une occasion de revisiter un sujet classique de la science politique.  

Les médias font-ils l’élection ?  

Dans un essai emblématique sur le sujet, le politologue Grégory Derville revient sur cette question qui apparaît régulièrement dans l’actualité. Ainsi, dès 1945, des premières recherches sont menées pour voir si la lecture des journaux papiers influence le vote des électeurs. Le point intéressant est que chaque évolution technologique donne lieu à une nouvelle version de ce débat. Beaucoup d’observateurs se sont inquiétés de l’impact qu’aurait la télévision sur l’élection. Puis, plus tard, Internet et enfin les réseaux sociaux.  

En réalité, contrairement à ce que nous pourrions croire, il n’y a pas de preuves claires et irréfutables que les médias influencent le choix des électeurs. Il faudrait pour cela démontrer que suite au visionnage d’une émission, un électeur se décide ou ait changé d’avis et c’est précisément difficile, voire impossible à démontrer. Il est plus vraisemblable par contre que deux effets aient un impact bien plus fort sur le choix d’un électeur.  

Premièrement, l’entourage proche a un impact substantiel sur notre vision de la société et de la politique. Nous vivons depuis notre plus tendre enfance avec des parents, des frères, des sœurs qui nous racontent leur vision du monde et qui construisent notre grille de lecture. Souvent ce sont avec eux que nous regardons les informations et que nous écoutons ainsi leurs commentaires. S’il est démontré qu’avec le temps, les individus construisent leur propre trajectoire citoyenne, le milieu d’origine reste un facteur primordial pour expliquer les opinions politiques que nous avons. Les chercheurs retracent souvent cette donnée par des entretiens approfondis où ils tentent de connaître la biographie des électeurs qu’ils interrogent pour comprendre leur vote.  

Deuxièmement, nous écoutons souvent des émissions ou des programmes que nous apprécions. Quand nous démarrons le visionnage d’une émission, nous ne sommes pas neutres, nous avons déjà un avis et une vision des choses et c’est sur base de cela que nous choisissons nos programmes. Cela veut dire que nous sommes sûrement déjà d’accord avec ce qui est dit et que l’émission ou le programme renforce plus probablement nos idées qu’il nous fait changer d’avis. Ce ne serait donc pas une émission qui nous rendrait racistes par exemple, mais bien l’existence en nous, au préalable, d’une opinion favorable au racisme qui nous ferait préférer certaines émissions à d’autres.  

Quel est le rôle des médias dans une élection ?  

Si les médias n’ont pas un pouvoir aussi important, comme définir les préférences de tous les électeurs américains, ils jouent malgré tout un rôle important en démocratie. Ils mettent à l’agenda des thèmes importants pour la campagne en définissant ainsi ce qui est débattu et ce qui l’est moins. Lors des élections présidentielles en France, en 2022, beaucoup de candidats à gauche se sont plaints ainsi que l’écologie était très peu débattue sur les plateaux de télévision par rapport à l’insécurité ou l’immigration par exemple.  

Cette mise à l’agenda est importante pour un facteur essentiel qui est la mobilisation d’un segment de l’électorat. Dans la plupart des démocraties du monde, le vote n’est pas obligatoire et l’enjeu pour les partis est de mobiliser leurs électeurs pour qu’ils aillent voter. Les émissions de télévision sont alors l’occasion pour chaque candidat de dérouler son programme, ses priorités pour convaincre non pas le camp adverse, mais souvent son propre camp que se déplacer pour le vote est important.  

Aux États-Unis, la participation oscille entre 55 et 65% des électeurs inscrits pour les élections présidentielles de ces dernières décennies. Il est possible d’estimer également comment chaque camp a mobilisé son propre électorat en voyant ce résultat parmi les membres des partis. L’enjeu est donc fondamental pour chaque camp de mobiliser parmi les siens. Pour les Démocrates, il était important pour Kamala Harris de montrer à ses partisans ses compétences et son sérieux dans une élection où ils partaient vaincus d’avance suite aux mauvaises performances de Joe Biden. Ce débat était un moment important pour elle pour réaliser cet exercice de conviction.  

Les débats présidentiels ont donc un certain rôle dans les élections, surtout pour consolider un parti et mettre tous les partisans en ordre de marche. Il est rare qu’ils fassent changer fondamentalement d’avis les électeurs qui ont tous déjà des opinions préalables, des préférences politiques, une histoire sociale et politique, ainsi un électeur de gauche ne deviendra pas de droite parce qu’il a regardé un débat à la télévision. En revanche, parce qu’ils permettent à chaque camp de convaincre ses propres membres, ils peuvent servir à lancer une dynamique électorale. Pour ce qui est de la campagne américaine, ce débat ne sera pas un tournant majeur, mais il a servi à confirmer le sérieux de Kamala Harris et pourra lui permettre de mobiliser ses électeurs en novembre prochain.           

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