
Quels sont les outils disponibles pour analyser la satire politique ? Voici une question importante que je me suis posée durant mes quatre années de doctorat où j’ai travaillé sur la vie politique française durant la campagne présidentielle de 2017. Si vous aimez les humoristes et leur manière particulière de raconter la politique, vous aurez eu aussi certainement l’intuition qu’il y avait là de quoi réfléchir. Est-ce simplement une petite distraction qui nous divertit ou bien est-ce un autre type de discours politique ?
Pour capter ce contenu humoristique, j’ai travaillé sur environ 1.500 billets d’humour diffusés dans les médias français entre septembre 2016 et juin 2017. J’ai dégagé le concept de « cible » : il s’agit de référencer quels sont les personnages, qui sont les victimes des blagues des humoristes. On sait alors mesurer des occurrences : qui a été ciblé ? Combien de fois ? Et très intéressant, à quelle période ? C’est l’occasion de voir des cibles qui apparaissent et disparaissent au gré de la vie politique.
La conclusion essentielle de cette analyse, c’est que les humoristes dans les médias suivent le rapport de force médiatique. Ils donnent en fait un miroir grossissant de ce qui fait l’actualité et se moquent de ceux qui font la Une des journaux en occultant les autres. Étrangement , ils apparaissent alors davantage comme des acteurs du système en offrant peu de visions subversives alors qu’ils sont réputés pour être « impertinents ». En d’autres termes, on attendrait d’eux une vraie posture de rébellion, alors qu’une analyse par cibles démontre au contraire qu’ils reproduisent fidèlement les rapports de force de la vie politique.
Cela permet d’ouvrir un champ de recherche pour voir comment les mandataires politiques profitent en réalité de la satire pour en tirer un bénéfice, et pourquoi les humoristes dans les médias sont peut-être en réalité les meilleurs alliés du pouvoir politique.
Le développement de cette étude est à lire dans cet article de blog de l’association belge de science politique (ABSP),…. Ou pour les plus courageux dans les 400 pages de ma thèse !